Quand on est enfant, tout est plus grand, plus loin, plus mystérieux. Tout est esquisse.
Heureusement, grand-papa me tient la main pour me guider à travers les chemins qui s’entrecroisent.
Traverser un long, si long corridor obscur, avec toute la curiosité et l’exaltation de la découverte qui m’attend n’est pas chose facile, mais un passage qui me fait retenir mon souffle dans cette douce euphorie.
Le grincement de la porte, ouverte des milliers de fois, l’odeur de paille humide. J’entends gratter, gigoter… la vie se cache derrière ces murs, on ne peut en douter.
Des grillages s’élèvent jusqu’au ciel. Mais comment grand-papa peut-il atteindre les cages les plus hautes? Comprendre enfin ce qui se cache en ce lieu énigmatique, entrevoir une silhouette aux longues oreilles; timide dans la pénombre, elle me fixe.
Une volonté soudaine de cajoler cette petite boule de poil et de la tenir contre ma joue s’éprend alors de moi. Mes efforts laborieux permettent à mes petits doigts de se glisser assez loin à travers la grille pour effleurer sa douceur un instant, avant qu’elle ne fuit cette intrusion inattendue.
Un fin duvet dépasse d’un grillage sur ma gauche. Roux, noir, tacheté… Je suis à la recherche du plus beau pelage, mais il y en a tant que j’ai peine à arrêter mon choix.
Mon coeur s’arrête à la vue de la plus belle créature qu’on m’ait à ce jour donné la chance d’admirer. De grands yeux rouges flamboyants s’illuminent sur une fourrure d’un blanc étincelant.
« Pourquoi ne peut-on pas laisser gambader librement toutes ces petites bêtes?, pensai-je. Il me semble que nous aurions tellement plus de plaisir elles et moi. »
Elles pourraient faire des bonds sur mon dos et chatouiller mon cou. Leurs petites pattes se prendraient un peu dans mes cheveux mais ça ne me dérangerait pas.
Je les laisserais courir loin, loin jusqu’à ce que je ne vois que des taches sautiller dans l’herbe haute. J’aimerais qu’elles soient mes frères, mes soeurs, mes complices. Même si mon coeur les garderait pour toujours, je les laisserais choisir : rester avec moi ou appartenir à la brise qui souffle. C’est ça, il me semble, la liberté.
Vient le moment inévitable de partir de cette pièce aux trésors inestimables. Elle restera bien vivante dans mon esprit… jusqu’à ma prochaine visite des clapiers de grand-papa.
Texte par Marie-Pier Deschênes
Oni
Vendu